Clarification de la notion de “valeur économique individualisée” pouvant faire l’objet de parasitisme

Fondé sur l'article 1240 du Code civil, le parasitisme consiste à profiter indûment des efforts, du savoir-faire, de la notoriété ou des investissements d'une autre entreprise.

Cette notion, à la croisée des chemins entre les droits de propriété intellectuelle qui allouent un droit privatif à leur titulaire et le principe de la libre copie et de la liberté du commerce et de l’industrie en l’absence de droit privatif opposable peut donner lieu à des difficultés d’interprétation.

Par deux arrêts du 26 juin 2024, la Cour de cassation a apporté des éclairages sur le point essentiel de la valeur économique qui peut faire l’objet de parasitisme.

Dans une première décision au sein de laquelle la société Maisons du monde reprochait aux supermarchés Auchan d’avoir commercialisé des tasses et des bols comportant des images de type « vintage » reproduisant un de ses tableaux, la chambre commerciale rappelle qu’il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque.

Or, en l’espèce, la cour d’appel avait justement relevé, en substance, que :

  • ledit tableau était composé de différents clichés, disponibles en droit libre sur internet, et acquis, reproduits puis agencés sur la toile, et considéré que les décors des tasses et bols commercialisés par Auchan n'étaient pas des copies serviles de ces clichés ;

  • il a été commercialisée sur une période limitée, et n'a jamais été mis en avant comme étant emblématique de la collection « vintage » de Maisons du monde, genre alors en vogue, ni même de son univers ;

  • il constituait une combinaison banale d'images préexistantes.

De ce fait, aucune valeur économique identifiée et identifiable ne pouvait être revendiquée par Maison du Monde.

Au contraire, dans une seconde décision portant sur la commercialisation par une société de masque reproduisant les caractéristiques du modèle « Easybreath » de Decathlon, la chambre commerciale a confirmé l’analyse de la cour d’appel qui avait déduit cette valeur économique protégée des éléments suivants :

  • la grande notoriété du masque « Easybreath » de Decathlon ;

  • la réalité de son travail de conception et de développement sur une durée de trois années pour un montant total de 350 000 euros ;

  • l’absence de produits équivalents à l’époque de son lancement ;

  • le caractère innovant de la démarche de Decathlon, ainsi que ses investissements publicitaires de plus de trois millions d'euros et un chiffre d'affaires de plus de 73 millions d'euros entre mai 2014 et novembre 2018 généré par la vente de ce produit.

Par ces arrêts, la Cour de cassation rappelle qu’une action en parasitisme doit être mûrement réfléchie.

Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2024 n°22-17.647 et n°22-21.497

Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2024 n°23-13.535

Photo de zia moshtaghi sur Unsplash

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